MOHACS 1687
A la fin du XVème et au début du XVIème siècle s’épanouit une Europe dynamique et éclatante. L’Europe des grandes découvertes et de l’humanisme, de la renaissance et de la réforme. En fait, l’une des causes de la forme et de la durée des conflits qui agitent l’Europe occidentale à l’époque moderne, est la présence menaçante des Turcs sur ses marges orientales et méridionales. Du point de vue stratégique, l'Etat Ottoman était dans une position meilleure que celles des puissances chrétiennes durant cette période; la longueur des lignes de front étaient réduites, leur offrant l'avantage de concentration des forces et facilite le soutien logistique. Avant conquête de Constantinople, l'Empire Ottoman n'a jamais été en sécurité, car ses provinces en Europe et en Asie étaient séparées par la mer. La prise de Constantinople le 29 mai 1453, a mis fin à la division géographique de l'Empire et aux problèmes de défense. Elle est devenue le centre de gravité de l'Empire. Les Ottomans devenus maîtres du Bosphore, contrôlent désormais tous les commerces transitant par la mer noire. Ainsi, la disparition définitive de l’ancien Empire d'Orient avait confirmé les Ottomans dans leurs ambitions méditerranéennes et balkaniques.
En effet, poursuivant ses conquêtes, le talentueux et dynamique sultan Mohamed II appelé "le conquérant du monde", a intégré de larges surfaces à son empire: Albanie, Grèce, Serbie, Bosnie et Karmanie. Après sa mort, Selim I a étendu la puissance ottomane en Syrie, en Egypte et en Mésopotamie. Les puissances militaires, économiques ou même politiques, des autres pays se sont éclipsées. Les plus directement concernées et relativement puissantes, Venise et la Hongrie sous Mathias Corvin, sont acculées à la défensive. Ainsi, l'équilibre des forces a définitivement basculé du côté des Ottomans. Les expulser de leurs pays, est devenu le rêve des Européens. Un mémorandum adressé par le Pape Léon X aux puissances européennes et reçu froidement dans différentes cours, illustre bien, l'impossibilité d'une coopération à grande échelle pour rejeter les Ottomans au-delà de leurs territoires.
Face aux idées de croisade pour Constantinople agitées par les papes Pie II (1458-1464), Paul II (1464-1471), puis Sixte IV (1471-1484) qui réussit à équiper une flotte et à prendre Smyrne[1]; Mohamed Π songe non seulement à consolider son empire dans sa nouvelle capitale et son espace ancien limité en Europe de la Thrace jusqu'à Andrinople[2], et de la Bulgarie jusqu'à Nicopolis, mais aussi à s'étendre en diverses directions : la plaine danubienne, où la Hongrie se révèle le principal obstacle à une expansion Turque, la Serbie, sorte d’Etat - tampon dont la Hongrie et l’Empire Ottoman se disputent la domination, la Grèce enfin dont les principautés sont dominées par Venise. Toutefois, le Sultan a été repoussé à Belgrade en 1456, mais son grand vizir Mahmud Pacha a pu s'emparer de la Serbie en 1459, et Athènes passe sous le contrôle Ottoman en 1460. Ainsi commença une longue phase d’expansion des Ottomans dans l'ensemble du domaine européen accessible, malgré la résistance de Venise.
Bayazid, successeur de Mohamed II en 1481, poursuivant la politique de son père dans les Balkans , s’empara de l’Herzégovine d’une part, de la Moldavie de l’autre, puis relance la guerre contre Venise et se rend maître de Modon , Coron et Navarin entre 1499 et 1502.
Mais, sans conteste, l’événement le plus important qu’a connu l’Europe dans la première moitié du XVI ème siècle était l'élection impériale en 1519 de Charles de Habsbourg. Déjà Roi d'Espagne, il est aussi Prince les Pays Bas, des provinces d’Autriche et d’Allemagne, de Naples, de Sardaigne, de Sicile et des colonies américaines. Empereur du Saint Empire romain germanique sous le nom de Charles Quint, il devint ainsi le plus puissant souverain d’Europe. Pratiquement, tous les gouvernements étaient opposés à cette élection, car la constitution d’un aussi large empire peut rompre l'équilibre des forces en Europe. De même la persécution des Maures en Espagne a suscité une indignation du côté du monde islamique, et les attaques contre les pays d’Afrique du Nord ne pouvaient pas laisser les dirigeants ottomans indifférents, du point de vue religieux ou stratégique. De plus l’extension du gouvernement espagnole à Naples, présentait une menace pour les positions que tenaient les Ottomans dans les Balkans et en Méditerranée. Enfin, les Ottomans se sont persuadés du nouveau danger du moment, car le roi Charles Quint a promis de mener une croisade durant la campagne qui a précédé son élection au trône de l’Empire.
En ce qui concerne la Hongrie, son roi Louis Π avait des liens de mariage avec l’Empereur. De plus la maison des Habsbourgs était unie à la dynastie polonaise, bohémienne et hongroise, par des traités d’héritage et de mariage. D’où, il paraissait logique pour les Ottomans que la Hongrie tomberait un jour sous l’influence des Habsbourgs. Persuadés du danger que présente le Saint- Empire pour la sécurité de leurs territoires, les gouvernements ottoman et français, sous la souveraineté du roi François I, ont conclus une alliance turco- française afin de contrer les Habsbourgs.
Enfin, à partir des données précitées et du fait de la sécurité des frontières du sud, les turcs ont tourné leurs regards vers le Nord. Les ottomans y avaient déjà instauré plusieurs principautés qui leur devaient allégeance ou qui étaient sous leur tutelle. Néanmoins, le royaume de Hongrie semblait focaliser toutes les volontés chrétiennes pour lutter contre les musulmans dans les Balkans. Le faible et quasi incontrôlable royaume de Hongrie dont les pouvoirs souverains apparaissent comme dispersés dans
les mains des princes, au premier rang desquels venaient les différents archevêques du Royaume, n’offrait pourtant qu’un rempart chétif aux colossales forces turques.
Ainsi, l’intervention turque en Hongrie n’avait pas pour but d’annexer ou de dissoudre ce pays dans l’empire ottoman, mais plutôt de l’astreindre à accepter les plans de paix[3], présentés pas Soliman II à deux reprises. Cet objectif politique ne peut pas être atteint par une guerre d’annihilation, mais par une guerre à objectifs limités notamment par la destruction des forces hongroises et l’occupation de la capitale.
La bataille de Mohacs qui a eu lieu le 29 août 1526, marque le début de l’interminable conflit qui va mettre face à face, à partir de cette date, l'Empire Ottoman et le Saint- Empire romain germanique.
Bataille de MOHACS
L’analyse des trois facteurs, rapport de forces, milieu et délais qui conditionnent les issues d’une bataille, montre bien que les Ottomans disposaient de tous les atouts pour remporter cette guerre.
Tout d’abord, l’armée turque a été évaluée à 150 000 combattants alors que la Hongrie ne disposant pas de ressources économiques suffisantes à cette époque, n’a pu aligner que 30 à 40 000 soldats. De même, la flotte turque est composée de 800 vaisseaux dont une partie seulement est destinée à la guerre et la grande partie pour le transport. Ces vaisseaux « Birèmes[4] » peuvent être utilisés même en haute mer. Alors que la Hongrie ne disposait que d’une flotte de rivière constituée par 200 petits vaisseaux appelés « Sajka » ou « Naszad ».
Ensuite, l’étude du facteur espace montre quant à lui que la réussite de la conquête turque est due essentiellement à son contrôle du fleuve du Danube, son principal axe de soutien logistique. En dehors de ce fleuve, l’armée ottomane devait emprunter l’itinéraire longeant la rive ouest du Danube et passant pas Belgrade – Tolna puis occuper Buda. La rive située à l’Est ne permettait pas la mobilité en raison des marécages qui occupent l’espace entre le Danube et le fleuve Tisza[5].
Bataille de MOHACS/ Les Hongrois de leur côté ont emprunté le même itinéraire mais dans les sens Nord – Sud.
Dans le cas du fleuve de la Save, la prise de Belgrade, Zimouy et Sabac ont permis une tête de pont aux Ottomans. Le fleuve Drave[6] qui se déverse dans de Danube au sud des frontières de la Hongrie, permet aux Ottomans d’embarquer leurs troupes à partir des différentes provinces des Balkans et les déposer dans des points éloignés. Les inondations de ce fleuve au Nord, gênent les actions offensives des Hongrois.
Enfin, le relief au sud de la Hongrie rend les opérations de traversées, possibles sur la majorité de ces régions. Ainsi les Ottomans ont bénéficié de cet avantage, car ils prouvaient envoyer les élites des troupes sur des têtes de ponts à l’insu des Hongrois qui demeuraient incertains quant au lieu de traversée de l'ennemi pour y constituer un dispositif défensif. Mais l’armée hongroise qui se trouvait consternée par le poids des décisions que le collège de potentats devait prendre, a enfin décidé d’établir son camp dans la plaine de Mohacs.
En fait, le gouvernement hongrois de se part, s’est rendu compte qu’il ne pouvait retarder les Ottomans ni au niveau de la Save, ni sur le Drave, il a approuvé le choix du champs de bataille à Mohacs. Ainsi le roi Louis II, a accepté lui aussi ce plan sous La pression du conseil de l'armée. En fait, il estimait, en coordination avec son entourage, qu'il ne pourrait pas engager le combat au plus loin de Buda avant l’arrivée des forces de renforcements de Croatie et de Transylvanie. Ce qui a donné naissance à de profondes divergences entre la cour et les nobles.
De ce fait, le Roi n’a quitté Buda que le 23 août alors qu’il devait atteindre Tolna trois semaines avant. Le retard est dû non seulement, au temps mis pour réunir les fonds, mais aussi parce que le Roi a été convaincu qu’il ne pouvait pas combattre sans la réunification de toutes les forces possibles. Les nobles, eux, n’ont pas apprécié la lenteur de ce plan. Pour sa part, le gouverneur de Transylvanie le Voïvode Szapolyai qui nourrissait des désirs au trône, poussé par des partisans de la petite noblesse, a cherché à gêner les efforts du Roi en ralentissant ses propres forces au nord-est afin qu’elles ne puissent pas rejoindre à temps celles de Louis II.
A partir de toutes les données précitées, la plaine de Mohacs a été choisie par les Hongrois pour constituer un dispositif défensif lui permettant de repousser les Ottomans. En effet, cette zone fait partie des régions de la Hongrie qui ont connu depuis l'ère néopleitocène les inondations du Danube. Elle est couverte par les dépôts de sables et d’argiles. A sa partie est, elle est limitée par la zone marécageuse du Danube. A l’ouest et au sud, elle est limitée par un plateau de 25 à 30 mètres plus haut. La rivière Borza, qui prend ses sources à Nagynayard et Majs se déverse dans le lac de Dayok. C’est un cours d’eau régulier comportant plusieurs étangs, présentant un sérieux obstacle aux déplacements des troupes.
La zone ne contenait à l'époque ni forêts, ni arbres mais était couverte d’herbes. De plus, elle connaît des pluies abondantes entre les mois juin et septembre; et comme le rapportaient les chroniqueurs, les semaines précédant la bataille ont été caractérisées par des précipitations très denses. Ainsi, les versants des collines devenus glissants, avaient présenté de véritables obstacles pour les troupes ottomanes.
En face de cette région, de larges collines en forme d'arc, surplombent cette vallée, et derrière se trouve le village Foldvar où les Ottomans sous le commandement de Soliman II ont déployé leur artillerie. C'est aussi les arrêtes de ces collines que les Hongrois virent au matin du 29 août 1526, s'hérisser de cavaliers ennemis; ces derniers qui s'avançaient d'un trot déterminé vers l'ultime rempart de la chrétienté.
Bataille de MOHACS/ Certes l’expansion de l’empire ottoman a été facilitée par la faiblesse des adversaires comme c’était le cas lors de cette bataille. Mais se trouve également justifiée par la puissance d’une armée permanente considérable, entraînée à la guerre, bien commandée, et d’une fidélité inébranlable au sultanat.
En effet, aucune infanterie européenne n'égalait les janissaires[7] ottomans, aucune cavalerie n’est aussi nombreuse que les sipahis[8]. Ainsi, pour comprendre les réalisations grandioses des Ottomans, nous ne devons pas perdre de vue leur machine administrative "bien huilée". Elle prouvait fournir les hommes, les fonds, les matériels, tout ce dont a besoin l’armée en quantités bien calculées et suffisantes. Une superficie énormément vaste, une population immense, des ressources suffisantes, des organes fiables de l’Etat, un entrelacement des organismes militaires et civiles. Bref, toutes les conditions nécessaires à la mise sur pied d’une armée solide, capable de mener des campagnes victorieuses étaient présentes dans l’Etat ottoman.
De surcroît, l’idéologie religieuse fanatique qui inspire les soldats a renforcé la discipline. Les récompenses pour les militaires méritants, était à même de motiver le personnel. De même, l’armée ottomane a été caractérisée par le fait qu’elle comportait deux composantes diamétralement opposées représentant deux catégories historiques :
Ø une armée féodale
Ø une autre professionnelle.
Ces deux formes d’organisations, bien qu’elles aient été développées dans deux structures sociales et économiques essentiellement différentes, formaient un ensemble cohérent.
En outre, l’armée ottomane est restée loin des vulnérabilités et des perturbations fonctionnelles pour très longtemps. L’armée féodale n’a jamais connu de dérive du genre indiscipline, absence de guide ou force individualiste, qualités qui sont inappropriées pour mener des opération planifiées.
En ce qui concerne le nombre des troupes ottomanes qui ont participé à la bataille de Mohacs, le chiffre diffère d’une référence historique à l’autre , mais la plupart des écrits disent que ce nombre varie autour de 150 000 , y compris les forces venues des provinces balkaniques.
Ainsi, on peut dire que l’estimation des forces ottomanes dans cette bataille est la suivante :
Ø 15 000 à 20 000 janissaires
Ø 54 000 sipahis
Ø 1 000 artilleurs.
Ø 10 000 à 15 000 troupes irrégulières (ont un rôle secondaire)
Sans compter les services de support : Train, domestiques, et les renforts déjà évoqués.
Créée donc, dans un système d’Etat centralisé et dans une société qui ne s’apparente à aucun modèle féodal ou nobiliaire, cette armée ottomane diffère de toutes les armées européennes.
Bataille de MOHACS / Grâce à leur maîtrise des techniques de déplacements des forces et à leur contrôle des pays balkaniques, les Ottomans ont utilisé le Danube comme axe principal pour se porter au sud de la Hongrie.
A l’instar des Romains, les Ottomans ont porté leur attention particulièrement dès le début, à la construction et à l’entretien du réseau routier qui était indispensable aussi bien à l’administration qu’au mouvement des troupes. Le soutien en service de messagerie et d'entretien des auberges et de l'infrastructure en général, était confié à la population de la région. De même les unités de génie militaire turques, méritaient une attention particulière. Les sapeurs ou « maîtres constructeurs», comme ils sont appelés par les chroniqueurs ottomans, ont dû jeter des ponts sur trois fleuves durant la compagne de Hongrie: La Save, le Danube et le Drave. Dans l'Empire Ottoman, la méthode habituelle de construction de ponts était le "ponton pont".
La construction de ponts, et la traversée des fleuves en général, sont des manœuvres délicates dont toute armée doit faire face. En ce qui concerne la bataille de Mohacs, en 1526 durant la traversée du Drave, les travaux ont été supervisés directement par le grand vizir Ibrahim en personne, et parfois, Soliman II passait une partie de son temps sur le site. Ainsi le pont d’Eszek sur le Drave, a été construit en 5 jours. Deux autres ponts seront construits sur le Danube pour permettre aux forces ottomanes de reprendre l'offensive vers Buda.
Le système ottoman de mobilisation et de mouvement des troupes le long des Balkans a été développé durant le 15ème siècle et le début du 16ème. En effet, les décisions en matière de guerre sont prises par le sultan, en accord avec le grand vizir. Les détails sont fixés par les responsables officiels de haut niveau de l’Etat ottoman au divan[9]. Ainsi, le grand vizir, les deux chefs de justice de l’armée, les représentants des grandes provinces, du trésor, le chef "Agha" des janissaires pour l’armée de terre, le Capitaine ou Amiral de la mer du côté de la marine, en plus du secrétaire d’Etat, discutent du plan de la guerre: la mobilisation, le financement et les questions d’ordre technique.
La décision du Sultan basée sur des mesures préparées par ce conseil est envoyée aux quatre coins de l’Empire, mettant en mouvement la puissante machine militaire ottomane.
Pour la bataille de Mohacs, les moyens qu'il a fallu mobiliser sont estimés comme suit :
Ø 500 à 600 chariots tractés ont été nécessaires pour le transport des munitions d’artillerie
Ø prés de 300 chariots pour déplacer les canons.
Ø 1200 tonnes de vivres pour subvenir aux besoins des soldats durant 8 jours de marche.
Ø 1200 tonnes de forages pour 4 jours de marche.
Ainsi, du moment que le fleuve du Danube était d’une importance décisive du point de vue logistique, la flotte danubienne a été organisée finement. La majorité des unités navales ont navigué depuis leurs bases sur la Mer Noire. En effet, étant donné la position géographique de la Turquie, la flotte maritime ottomane a joué un rôle essentiel dans la plupart de ses guerres qui ont été menées simultanément en mer et sur terre. Les plans de guerre du Sultan se sont articulés sur une utilisation combinée de l'armée de terre et de la marine.
Le déplacement depuis Andrinople jusqu'à Belgrade a pris entre 50 et 70 jours, divisés en étapes. Les colonnes de marche étaient très segmentées pour éviter les resserrements. La population qui se trouvait le long des axes de progression a été protégée vis à vis d’éventuelles actions de vandalisme des soldats. La discipline a été strictement appliquée, et les militaires qui essayaient de piller les biens des habitants, ont été sévèrement punis.
Mais l’un des problèmes sérieux qui se posaient durant les campagnes menées durant cette période était: comment pourvoir les armées avec une quantité suffisante de vivres et de forage. En fait, la nourriture a dû être réunie avant le lancement de l’opération. Le transport était difficile et onéreux, étant donné la modestie des routes et la technologie primitive employée. En général, le ravitaillement en vivres des troupes et la nourriture des bêtes coûtaient entre 15 et 30 % de toutes les dépenses militaires allouées à une campagne.
Le gouvernement ottoman avait parfaitement organisé le transport: les biens et équipements ont été transportés par bateaux, chariots et à dos de chameaux. Le transport par eau était le plus simple et le plus économique. C’est pour cette raison que la prise de Belgrade en 1521 était un objectif significatif, parce qu’elle a permis aux Ottomans d’utiliser librement le fleuve du Danube pour la navigation.
Enfin, si le commandement a joué un rôle primordial dans l’expansion de l'Empire Ottoman, il n’est pas possible d’étudier l’histoire de l’Empire dans la première moitié du XVIème siècle en général et la compagne de Hongrie en particulier illustrée par la bataille de Mohacs, sans faire intervenir la forte personnalité de Soliman II qui a dominé véritablement son époque, de 1520 à 1566.
Surnommé "kanouni" (le législateur) par les Turcs, et le magnifique[10] par les Européens, il est sans conteste le plus grand sultan ottoman. Quand il a succédé en 1520, à l'âge de 25 ans à son père Selim I, Soliman II, avait la chance de trouver un empire remis en ordre après les erreurs des sultans précédents.
Avec le concours du grand vizir Ibrahim pacha, un compagnon d’enfance, Soliman achève sans tarder la conquête de la Méditerranée orientale, illustrée trois quarts de siècle plus tôt par la prise spectaculaire de Constantinople. En effet, dès les premiers mois de son règne, la politique extérieure de Soliman II prend une autre dimension que celle de son père. Ainsi, il va mener treize campagnes : dix en Europe et trois en Asie.
Bataille de MOHACS / La première menée contre la Hongrie ayant aboutit en 1521 à la prise de Sabacz puis Belgrade, ouvrira aux Turcs les voies de la Save et du Danube.
La deuxième est dirigée contre Rhodes: le Sultan réussit à débarquer dans l'île le 26 juin 1522, et après un siège de six mois, force les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean à capituler. Ils vont s’installer dès lors à Malte. A ce moment en Perse, Chah Ismail meurt, et son successeur Tahmasp, peu rassuré par la présence de son puissant voisin, demande l’assistance du Roi de Hongrie et de Charles Quint; tandis qu’un ambassadeur français arrivé à Constantinople, demande à Soliman II d'attaquer les Hongrois pour gêner l'Empereur d'Autriche. Un double système d’alliances s’établit :
Ø D'un côté, Soliman II et François I
Ø De l’autre, Charles Quint, Louis de Hongrie et Tahmasp Chah de Perse.
La troisième campagne, à nouveau dirigée contre la Hongrie, est marquée par la prise de Peterwardein (Pertrovaradin) le 30 juillet 1526, et surtout par l’écrasante victoire de Mohacs sur le roi Louis II qui trouva la mort dans la bataille le 29 août.
L’affaiblissement de la Hongrie sous le règne de Louis II qui, aux prises avec l’aristocratie, n’a pas pu faire face à la menace turque.
Le règne de Louis I (1342 –1382) fit de la Hongrie l’un des plus grands royaumes d’Europe. L’héritage polonais, les guerres de conquête victorieuses contre Venise, et les nombreuses réformes administratives, agrandirent le Royaume, infléchirent le pouvoir des seigneurs féodaux et favorisèrent les activités économiques. Mais à la fin de son règne, les Ottomans progressant régulièrement vers la péninsule balkanique, établirent leur souveraineté sur plusieurs provinces hongroises du sud. Son successeur, Sigismond de Luxembourg (1387 à 1437), entreprit une croisade contre les turcs mais fit sévèrement battu en 1396 à Nicopolis. A partir de 1440, la Hongrie de nouveau menacée par les Turcs à ses frontières, fut sauvée de la destruction grâce à la résistance des provinces du Sud, organisée par le gouverneur Janas Hunyadi, qui devint régent.
Son fils, Mathias Corvin, fut élu Roi en 1458. Alors, il mit en place plusieurs grandes réformes administratives, créa une armée et développa la Nation sur le plan commercial et culturel. Grand chef militaire, il prit contrôle de l’Autriche aux dépens des Habsbourgs dans les Années 1480, et installa sa résidence à Vienne. Ces dispositions auxquelles s’ajoutèrent de nouvelles acquisitions territoriales dont, la Moravie, la Lusace et la Silésie, firent pour un temps de la Hongrie, le plus puissant royaume d’Europe centrale. A la mort de Mathias Corvin en 1490, les luttes de pouvoir et les conflits internes s’exacerbèrent, à l’exemple de la violente rébellion paysanne, dirigée par Dozsa , et qui fut durement réprimée en 1514.
La succession donna lieu à une réaction féodale qui aboutit à mettre sur le trône le faible Ladislas Jagellon (1490-1516). Le chaos politique s’intensifia au cours des deux premières décennies du XVIèmè siècle, rendant la nation incapable de se défendre contre ses ennemis extérieurs. En août 1521, une armée turque conduite par le sultan Soliman II prit Belgrade, Sabac et toutes les places fortes du sud du Royaume, sous le règne du roi Louis II qui a succédé à son père Ladislas à l’âge de 10 ans.
En 1526, la situation s’est aggravée par le déclenchement des luttes entre les familles des Bathory[11] et des Szapolyai[12], ainsi que par une révolte armée des ouvriers des mines de cuivre de Neusohl, en Slovaquie, qui fut réprimée dans le sang au printemps de cette même année. Soliman II jugea le moment favorable, et quitta Constantinople à la tête de son armée en avril 1526.
Pour faire face à cet ennemi puissant, le roi Louis II, a rassemblé à grande peine une armée de 40 000 hommes et attendit les renforts devant venir de Bohême et d’ailleurs. Mais les royaumes voisins de la Hongrie avaient une structure politique basée sur les diètes qui ne permit pas de lever suffisamment de troupes au bon moment. Les mercenaires furent plus prompts à rallier Buda où les subsides du Pape servirent à les payer.
Néanmoins, le point faible de cette armée, outre les effectifs restreints au regard de ceux de leurs adversaires, réside dans le commandement. Comme toute armée médiévale, les troupes restaient sous le commandement direct de leur seigneur qui était le plus souvent un représentant de l’épiscopat[13] hongrois. Les évêques étaient venus en nombre, soutenir cette croisade. De plus, une force de 30 000 hommes fût levée par Jean Szapolyai qui devait effectuer une contre marche à l’Est de la Hongrie.
1. deux projets visant à sécuriser le nord de l'Empire
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