Bataille de l’Oued El Makhazine/ Enseignements

    Les enseignements à tirer de la bataille de l’Oued El Makhazine.


Les erreurs tactiques de Don Sébastien, l’absence d’une étude bien menée du facteur terrain alliées à la résistance acharnée des Marocains, sont autant de facteurs qui ont abouti à la défaite des Portugais.


Les erreurs tactiques de Don Sébastien.


   
Tout d’abord, vous avez certainement constaté que cette bataille a été entreprise par un jeune roi inexpérimenté et qui refuse de tenir compte des conseils à la fois de ses subordonnés, du roi d’Espagne Philipe II et du sultan déchu Sidi Mohamed. En effet, le jeune monarque qui n’a pas voulu attendre trois ou quatre jours à Lisbonne pour partir avec ses navires au complet, a préféré quitter son pays avant pour anticiper et s’installer à Larache et attendre les navires restants ce qui a causé un manque notamment des ravitaillements. On resta donc en rade d’Asilah, et la flotte ne fut regroupée que deux jours plus tard. Puis il fut nécessaire de se ravitailler en eau ; cela demanda deux ou trois jours encore, pendant lesquels le roi, changeant d’avis et sans consulter personne, décida de continuer sa route par voie de terre, au lieu de débarquer à une lieue de Larache, comme il  avait été prévu initialement. Car il avait entendu dire qu’à ksar El kébir il y avait seulement mille quatre cents cavaliers de Moulay Abdelmalek, et à Larache tout au plus quatre ou cinq cents tirailleurs, espérant même trouver ces deux villes abandonnées. Dès lors tout devint confus, désordonné et contradictoire. Personne, même favoris parmi les plus notoires, ne savait si le roi avait un plan pour la progression de l’armée, n’osait élever la voix, poser une question, émettre un avis, proposer quoi que ce soit, de peur de déplaire.

Quelques-uns, plus sages ou plus expérimentés, commençaient, toutefois, à réaliser que chevaucher par voie de terre allait présenter de très grandes difficultés. Car ils s’étaient renseignés et savaient qu’au premier campement on ne trouverait pas d’eau et qu’on ne trouverait pas avant le lendemain soir, pas avant d’avoir atteint la rivière près de laquelle on pourrait établir le second campement. Ils avaient fait parler les quelques caïds de la suite de Moulay Mohamed et avaient ainsi appris qu’il y avait quelques rivières à traverser à gué et que le chemin à parcourir était des plus malaisés, cela d’autant que les charrettes à bœufs, arrivées de l’Algarve, étaient en mauvais état. Peut-être était-ce en raison de toutes ces difficultés, de l’irrésolution et de l’agitation du jeune roi, de quelques escarmouches aussi avec des cavaliers des environs, que les chroniqueurs ont noté que l’armée portugaise, débarquée dans une confusion extrême, allait rester en campement entre les murailles d’Asilah et les chariots pendant quinze jours. Ce qui a causé un fâcheux effet sur la santé et le moral des troupes. Sous l’ardent soleil marocain de juillet, l’armée mourait de faim, car l’état de la mer ne permettait pas, des jours durant, de débarquer des vivres. Même juste avant l’attaque le jeune roi manquait d’action et ne se contrôlant plus,  « faisant des gestes comme un fou », selon le chroniqueur Luis Niéto, le capitaine de Al Dana l’a incité à maintes reprises à attaquer.
La bataille de l’Oued El Makhazine /
On peut ajouter à cela que le plan portugais reposait sur une grave sous estimation de l’adversaire et négligé la volonté ferme du peuple marocain, en dépit de la crise interne, de s’unir derrière leur roi pour affronter tout ennemi. Cela nous amène à tirer les enseignements suivants :
-   Avant toute opération, il est important de se donner les moyens de la victoire et de les adapter aux opérations.
-   Seule une prise en compte exhaustive de tous les facteurs d’une étude opérationnelle, qu’elle soit stratégique ou tactique, peut éviter de telles erreurs.
-   Le renseignement sur l’ennemi le plus complet possible et le plus sûr est indispensable avant de déclencher toute opération militaire. L’étude de l’ennemi revêt, tout comme celle des autres facteurs de la décision et en particulier celle de l’étude du milieu que nous verrons ensuite, une importance primordiale.
-   De plus, l’ennemi n’est pas une machine froide sans aucun sentiment mais il a une identité, une personnalité, une culture, des convictions et des motivations. Tous ces éléments ne doivent pas être ignorés au risque de mal apprécier ses capacités de combat et de résistance.
I- Le calcul théorique des rapports de forces est nécessaire mais il doit toujours faire l’objet d’une pondération et d’une prise en compte des différents facteurs évoqués précédemment.
-   Les conclusions tirées de cette étude auraient dû déboucher sur des mesures et des décisions concrètes telles que le report de l’attaque jusqu’au lendemain aube avec possibilités d’infiltration au sein du dispositif ennemi pendant la nuit. 

La bataille de l’Oued El Makhazine / La négligence du facteur terrain.


De plus, la géographie particulière de cette région du Maroc et le climat chaud en cette période de l’année ont conduit à la défaite des Portugais. En effet, l’armée portugaise n’aurait peut être pas subie cette défaite si elle n’avait pas pris la voie terrestre de Azila vers Larache. En outre, les Portugais avaient une vision erronée du terrain, car ils estimaient que c’est un terrain favorable à combat offensif et se sont même précipitaient pour attaquer sans une étude bien menée de ce facteur. Certes, il était peu accidenté mais très boisé et traversé par Oued Loukkos et ses affluents, notamment Oueds El Makhazine. Les passages à gué sont rares ce qui a faussé les calculs de l’ennemi au moment du repli et a obligé une partie à se jeter à l’eau. L’étude du milieu, tout comme l’étude de l’ennemi que j’ai évoqué précédemment, doit être faite sans faille. Cette étude doit tenir compte du terrain, du climat, de l’infrastructure mais aussi de la population et de ses caractéristiques physiques et psychologiques. Il en ressort les enseignements ci-après :
    - A l’instar des autres facteurs, l’étude bien menée du terrain permet de mieux adapter les moyens et le bon positionnement de la troupe.
- La connaissance du terrain et son étude minutieuse demeurent des facteurs de grande importance. Le choix absurde de Don Sébastien de s’installer dans un cul de sac a précipité la perte de son armée.

La bataille de l’Oued El Makhazine / La résistance acharnée des Marocains.


En fin, la détermination du sultan marocain, en dépit de sa maladie, puis de Moulay Ahmed au moment de la mort de son frère ont conduit à la défaite des Portugais. En effet, par un effort de volonté extrême, à bout de ses forces et presque chancelant, Moulay Abdelmalek s’obligea à mettre en place son dispositif dans les meilleures conditions afin de contrer toute attaque ennemie. Au moment de sa mort, cachée soigneusement par son entourage, son frère a pris la conduite des combats pour mettre fin au rêve portugais qui n’était pas seulement de conquérir le Maroc mais de mettre un terme à l’islam dans la région. Ce qui nous amène à tirer les enseignements suivants :
-   L’homme est toujours au centre de la problématique guerrière et constitue souvent la pierre angulaire du succès.
-   L’exemple donné par le roi Moulay Abdelmalek est toujours déterminant, car il a conduit ses hommes même s’il était malade et c’est aussi de son frère qui n’a annoncé la mort du roi qu’une fois le combat terminé.
-   L’expérience et la communication demeurent deux atouts primordiaux dans l’exercice du commandement.
-   Une préparation qui tient compte des modes d’actions éventuels de l’ennemi est toujours concluante.
-   Le moral de la troupe ne doit en aucun cas être affecté, au risque de perdre le combat, comme c’était le cas au sein de l’armée portugaise.
-   La logistique appropriée est un élément déterminant. En effet, Don Sébastien n’avait pas vu juste en restant quinze jours à Asilah.
-   L’emploi judicieux de la réserve contribue avec efficacité au succès.
-   La combinaison de la manœuvre et des feux crée la panique au sein du dispositif
adverse.

    

La bataille de l’Oued El Makhazine /  Ainsi donc, les enseignements à tirer de cette bataille  se sont caractérisées essentiellement par la sous estimation de l’adversaire et l’absence d’une étude bien menée du facteur terrain.


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